En route pour Xi’An !
May 22, 2010 - Victor
Gonzy saute sur sa couchette de train. Il a boucle son sac, laisse sous les fumees de Pekin ses chemises hawaiennes et nous suit, les deux semi-clochards, dans leur voyage vers Xi’An. Etant donnee sa maitrise du chinois, on devrait d’ailleurs dire qu’il nous precede…
Cette nuit-la est agitee. Impossible pour moi de dormir avec ce voisin qui ronfle -s’etouffe- dans son sommeil a quelques centimetres… Merci a mon sommeil de mouche, j’y aurai gagne, en plus de la fatigue, d’avoir peste inutilement une bonne partie de la nuit contre ce brave monsieur qui n’y pouvait rien…
Premiere etape: Wutaishan. Le bus que l’on recupere a la gare au petit matin nous mene directement a la montagne sacree, nichee au coeur d’un parc naturel protege, et donc payant. Tellement payant que le chauffeur fait entrer, moyennant paiement, quelques passagers dans la soute pour leur eviter la ruine du peage qui barre l’entree. Nous ne comprenons que trop tard… Et pourtant, nous savons que le prix des visites est de loin ce qui nous coute le plus cher en Chine. On se rattrape plus tard, se denichant une auberge a des prix defiant toute concurrence. La chambre est petite, peu de choses fonctionnent et les occupants precedents ont du fumer une bonne cartouche de cigarettes chacun etant donne le neombre de cadavres embrunis qui jonchent le sol, mais le personnel est ravi de nous louer ca pour une demi-douzaine d’euros. Tres bien !
La ville en elle-meme, nichee entre les pics montagneux ou sont perches les temples, est un amas de boutiques de souvenirs, gadgets pour moines et restaurants sans carte des prix ni ame: une veritable ville opportuniste, qui grapille les deniers qu’elle peut de la foule de touristes qui se presse ici pour les temples, par ailleurs magnifiques.
Et ce n’est pas peu dire, apres avoir vu un nombre incalculable de temples au Japon, en Chine, voire Mongolie, que de trouver a chacun de ceux de Wutaishan un attrait particulier. Une authenticite devenue rare.Ici, des moines sortent de leur cahute, bol de riz au mains; la, un devot monte les innombrables marches vers un sanctuaire en nid d’aigle, recitent une priere a chaque marche. Partout, de la devotion; l’encens brule par milliers de batonnets et alourdit un peu l’air deja charge des cantiques bouddhiques qui resonnent un peu partout.
Partout, de la vie: des nonnes nous accompagnent dans un temple en construction; nous montrent leur immense refectoire, leur salle d’etudes -ou justement un superieur donne une lecon magistrale a des centaines de moines accroupis et silencieux- et leur grand pavillon aui renferme les statues immenses et encore sous drap, flambant neuves, de Maitreya, Sakyamuni et Amitabha, trois grandes figures bouddhiques. A l’issue de la visite, apres nous avoir joyeusement invites a nous agenouiller par trois fois devant une autre statue, les questions, toujours aussi fraiches et gentiment naives: « Ou etudiez-vous le bouddhisme en France ? Y avez-vous de grands maitres ?… »
C’est a Taiyuan, un petit bled chinois, i.e. quelques millions d’habitants a peine, que nous passerons une courte soiree avant de rejoindre Pingyao. De Taiyuan, tres chinoise, nous ne retiendrons que quelques images d’une ville nouvelle, tres droite et betonnee, ou comme a Datong, les masseuses quasi illegales ont pignon sur rue et flirtent avec les sex-shops a la chinoise et les derniers sex-toys a la mode sont monnaie courante, tel l’hymen artificiel…
Pingyao, enfin ! Carcassonne a la chinoise, entouree de remparts millenaires, la ville se visite en velo et offre dans ses rues les moins colonisees par les boutiques pour touristes un apercu de la cite ancienne qu’elle a pu etre. Certes, quelques quartiers, amenages par la revolution Culturelle, gardent encore les cicatrices sous forme de ruines de grises usines communistes; cependant, les alentours, villages perdus et creuses dans le loess gardent largement une identite chinoise qui nous charme; ainsi cette propriete, ancienne ecole en quasi ruine, ou le vieux proprietaire nous accueille le temps de quelques photos.
Le reste de la ville, parseme de musees et demeures anciennes sans museographie ni interet, nous laisse plus froids. Tous les noms, typiquement chinois, de ces batiments, font sourire: Maison de l’Harmonie Universelle. Palais de la Serenite Retrouvee… Parc de la Longevite Millenaire ! Vous aurez le plaisir de decouvrir cela a Pekin ! Alors nous nous refugions encore une fois a l’exterieur, prenant le frais sur une pelouse, a observer les cerf-volants barioles et les murailles. Une maladie qui commence ne me laisse d’ailleurs certainement pas apprecier le plein potentiel de la cite… Heureusement, il y a encore a Pingyao de veritables antiquaires. Surement vendent-ils des faux, mais les prix et l’aspect ancien nous conviennent entierement. On se barde encore de souvenirs colores ou « faisant chinois », de la balance a opium a poids en passant par la boite-tortue, sans oublier d’augmenter la malsaine passion de Simon pour certaines images kitsch…
C’est en suivant la route du train, tete collee a la fenetre, en comptant le nombre de tombes « tas de terre » qui parsement les bords de voie -surement que le gouvernement chinois refuse quelque peu l’idee de concession privee et n’accorde que des locations de 70 ans- que nous arrivons a Hancheng. La raison de notre visite est le village de Dangjiaocun, « Le village de Dang et de Jiao » qui se trouve dans le vallon voisin. Le bus qui nous y mene traverse un enfer terrestre de poussiere lourde de travaux, cotoie les « villes de travail » chinoises ou la seule raison d’etre de la ville est son usine ou ses ateliers, louvoie entre des routes en construction.
Le nombre de camions bloques dans cette fumee lourde est si impressionnant, degage et souleve tant de noires particules dans l’air que les motards esseules, qui tentent tant bien que mal de se frayer un chemin dans cette puree en ressortent noirs comme charbon. Le village, comme les coteaux proches plantes d’arbres a Ma -le poivre du Sichuan, cette graine diabolique qui anestehesie la langue- cache derriere de petites falaises de loess que l’on rejoint via un chemin borde de cypres, garde un charme jusqu’ici inegale. Chaque maison de marchand, chaque rue et jusqu’a l’ecole ont encore une trace d’authentique qui nous fait nous y sentir bien. Esperons que cela dure…
Nous finirons notre visite sur les bords du Huang He, le fameux fleuve jaune, du nom de la boue qu’il charrie. C’est la que l’on se pose une derniere fois avant Xi’An, ses guerriers millenaires, ceux de l’unificateur han Qin Shi Hangdi… Mais c’est une autre histoire ! Au loin, les ouvriers du train profitent du laps de temps entre chaque passage pour attaquer le sol du ballast a coup de pioche. Jettent de grandes pelletees de detritus noirs sur le sable en contrebas. Quarante jours deja, et le voyage continue…