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Victor

Jeanne

September 08, 2014 - Victor

Dans l’avion pour Tokyo, une fois de plus. Et je repense à toi. Sûrement les X-Men que je me regarde sur l’écran ridicule qui me fait face. Tu m’en avais parlé, tu te rappelles ? Moi, pas vraiment. Juste que tu avais aimé; tu me l’avais fait vivre, avant même que je ne le voie.

Comme souvent dans les situations de trajet, mon esprit vagabonde. L’atmosphère dense et étouffée de l’avion crée une bulle d’intimité tout autour de moi, et c’est propice à sauter de pensée en pensée. Si ce n’est en s’abrutissant devant un quelconque programme, comme ici les X-Men, impossible d’empêcher les rebonds capitonnés dans mes souvenirs, d’y entendre à nouveau un son, un rire, de m’attarder sur telle sensation perdue; trouver sans cesse un nouveau plongeoir d’où sauter vers d’autres souvenirs.

Là, c’est une chanson en toile de fond. La Jeanne, tu sais, mais pas celle de Brassens. Non, sa reprise, si plaintive et si belle, par cette fanfare espagnole… Ah, si seulement je parvenais à m’accrocher plus à ce genre de détails, je me serais rappellé de leur nom. Et voilà que le refrain repart dans ma tête.. La Jeanne ! La Jeaaanne ! …

Que dire ? Je ne sais même pas à qui ce billet est destiné. Carnet intime à la vue de tous, anonymat uniquement sauvegardé par le fait de n’être qu’une goutte d’information dans cet océan qu’est Internet… Jeanne, me liras-tu un jour ? Peut-être. Ce jour-là, qu’en penseras-tu ? Chaque jour nous change. D’un lecture sur l’autre même, tu pourrais, -et je pourrais !- ne pas avoir la même réaction. Alors… Quelques mots, tout de même…

Ma Jeanne à moi. A quelle période ai-je pu dire cela ? Il est probable que je n’aie jamais vraiment pu, jusqu’à aujourd’hui. Je me rappelle d’un moment de bonheur pur, à notre rencontre, dans Paris. Dans les premiers jours de Juin, année 2013. Nous trinquions en terrasse des cafés, allions bras dessus bras dessous en rejoindre d’autres, faisions l’amour, et on riait. Qu’est-ce qu’on riait. On en oubliait un peu chaque jour que notre temps était compté, que mon compte à rebours était en route en vue du départ, j’en oubliais même ma tristesse de l’année passée, et j’ai été heureux. Libre et heureux.

Cette année-là, je ne pense pas qu’une meilleure chose me soit arrivée que ‘ma’ Jeanne. ‘Ma’ Jeanne, c’est celle que je garde dans mon coeur, même si je n’ai pas eu l’occasion de l’appeler ainsi. Celle qui a tant pris soin de moi, qui m’a poussé, compris, soutenu, remis debout.

Plus tard, nous nous retrouvions dans des chambres d’hôtel, à des petits déjeuners, un peu partout dans Tokyo. On faisait les 400 coups en riant, croisant de droite à gauche dans cette ville folle. Nous avons pris soin de nous; et puis l’on ne faisait rien. Rien de spécial. Juste être ensemble, le temps d’un week-end, de quelques soirs. A Paris, on a joué- on jouait et l’on dormait, et l’on en oubliait le boulot et tout le reste, on se laissait aller au gré de nos envies, pour le seul bonheur de partager ce temps ensemble.

‘Ma’ Jeanne, c’est tous ces moments-là. C’est la folie de prendre un train, de suivre un bord d’autoroute, de sauter d’un avion, ensemble. Il en reste… Des chansons, que je peine encore à sortir de ma tête, et puis une tendresse infinie. Punaise, le quotidien, ma vie, ce qui nous a flingués, ce qui nous a foutus par terre, je ne veux pas m’en rappeler. Pas une ligne, je ne vais pas laisser cette chance aux mauvais souvenirs.

Sûrement pas de la façon qu’il aurait fallu ou qu’il faudrait, trop tard bien évidemment, je peux maintenant répéter ce que je t’avais soufflé durant ces jours de décembre 2013; je t’aime.