Timbodong.
May 13, 2010 - Victor
L’arrivee en Chine. Quelle histoire ! La ou je vous avais laisse, i.e. dans le train pour la frontiere a Zamin-Uud, nous avons dormi finalement, grimpant sur les corniches a bagages -suivant l’exemple des mongols- vertigineuses, avec leurs trois metres au-dessus du sol, leur taille en juste-assez-mon-bras-depasse, leur glissance et leur absence de garde-fou. Toutefois, bien mieux que le siege de bois, ou de toutes facons quelqu’un vient tout juste de s’etendre. Peu frais et relativement dispos, nous voici a la frontiere, dans le froid toujours aussi glacial du petit matin. Retirer de l’argent, trouver une Jeep. Celle que nous trouvons nous aide pas mal a traverser le double no man’s land qui constitue la frontiere sino-mongole. Environ deux heures plus tard, et nous quittons les kilometres entoures de barbeles reserves au passage securise du ballet de jeeps. La photo ci-dessus est une vue de la fin, la verriere qui montre la Chine, de l’autre cote. Eh bien croyez moi, le cote mongol donne beaucoup, beaucoup moins envie !
Nous voici enfin au royaume de la « societe harmonieuse » de Hu Jintao. Le plan, c’est de rejoindre Datong avec notre nouveau compagnon, Tobias, un suisse qui voyage seul en Asie depuis deja longtemps. Ce que nous croyons encore, c’est que nous y serons en debut d’apres-midi… Datong, d’ailleurs, juste pour l’explication, c’est la ville entre la frontiere et Pekin/Beijing, ou l’on trouve deux choses bien fameuses: les cavernes bouddhiques de Yungang et le Temple suspendu de Huayan Si. Ce sera notre arrêt touristique avant Pekin, ou nous attend Adrian/Gonzalez/Gonzy/Gonzo, pick one… Dans son Appartement, avec un grand A, de parait-il 160 metres carres.
Le hic, c’est qu’on arrivera pas a Datong dans la journee. L’employee de la gare d’Erenhot, ville toute en beton de la frontiere, nous crie ses reticences en chinois… Sauf qu’elle ne veut/peut pas nous produire de ticket pour Datong, nous ne comprenons pas bien pourquoi. Le seul mot que nous connaissons actuellement est « Timbodong« , qui signifie… « je ne comprends pas ». Ca limite forcement la discussion. Coup du sort, voila qu’un Mongol totalement ivre deboule dans la gare et, par miracle, crachouille de l’anglais entre deux relents de vodka dans une pluie de postillons. Il nous explique joyeusement qu’il faut tout d’abord prendre le train pour Hohhot, le chef-lieu de Mongolie Interieure, puis de la, rejoindre Datong. Eventuellement. Cette fois, l’employee se laisse convaincre. Un train part dans l’apres-midi; nous serons a Hohhot peu apres la tombee du jour.
Sortant, sous la tempete de neige qui vient de se lever, nous prenons notre premier repas chinois et notre premier repas tout court des 20 dernieres heures. C’est dans une minuscule gargote que l’on reussit a se faire servir » la meme chose qu’a cote » accompagnee d’une biere… On nous toise comme des extraterrestres, la dedans. Le vieux de la table en face nous offre des cigarettes. Trois soupes de nouilles sauce bolognaise, pour faire vite, servies a la coriandre et un doigt de piment… Rien que cela, ce plat si simple, nous reconforte d’un coup: la Mongolie et ses platrees informes, sa cuisine brute de decoffrage, est terminee. Place a une tradition culinaire multimillenaire !
Dans le train, notre ami Mongol se fait plus discret. On le retrouve roule en boule, apres avoir rendu un peu de son alcool, entre deux wagons… Definitivement hors d’etat. Nous ne dormirons pas chez lui ce soir. Heureusement. Nos nouveaux amis, voisins de table dans le train, sont des etudiantes mongoles qui retournent a Hohhot. Elles nous apprennent quelques bases de chinois, jouent aux cartes avec nous, nous paient a manger, boire, meme fumer. Elles nous indiquent encore a l’arrivee un hotel bon marche, le terminal des bus pour Datong… Incroyable. Jusqu’au moment ou nous arrivons a l’hotel bon marche conseille. Tout simplment le plus grand palace de la ville. Nous ne ressemblons pas a grand-chose, dans la luxueuse entree, avec nos sacs et couvertures mongoles, dans nos habits odorants. Toutefois le personnel se fait une joie de nous renvoyer vers une auberge de jeunesse, assez proche. Nous y dormons comme des anges; salle de bains, proprete, calme, tout nous semble voluptueux. Et pour cause, ce sera surement le meilleur hotel que nous visiterons en Chine !
Quant a Hohhot, il semble que cette ville ait ete construite pour damer le pion a Oulan-Bator. Tout y est propre, impeccable, organise. La ville degage richesse et prosperite. C’est presque comme une publicite geante. Sans doute peut-on y lire l’envie qu’ont les chinois de convaincre les Mongols, interieurs comme exterieurs, que la Chine, c’est bien…
Dans le bus pour Datong du lendemain, apres avoir observe longuement au reveil les exercices matinaux en groupe -chansons, elongations, repetitions de gestes, courses- des employes de l’hotel, on commence enfin a quitter l’interminable paysage de steppe qui semble nous suivre depuis si longtemps. Cette steppe decouverte a Oulan-Bator et qui semblait depuis s’etendre au monde entier, toujours identique apres nos vingt heures de train pour la fuir. Nous arrivons dans le paysage du loess. La Chine ancienne, le berceau. Le loess, c’est ces billiards de particules fines, une terre jaune ramenee de Siberie par les vents et qui s’est accumulee dans la region, de Datong a Xi’an et jusqu’a Beijing, formant des montagnes, des collines, des terrasses et de terribles ravins, canyons et crevasses pour les sillonner. Il fait chaud, enfin; l’air est bon, sent le printemps et nous pouvons enfin quitter polaires, gants, echarpes et bonnets !
A nous les grottes de Yungang. Nous arrivons a Datong en fin d’apres-midi. Les traditionnels rabatteurs devant la gare nous assaillent aussitot; la preuve que cela marche, c’est que nous allons a l’hotel du premier et prendrons la formule taxi « tour des attractions touristiques » du second… Datong, qui signifie en chinois « grande ville sans interet » porte assez bien son nom. Nous y decouvrons tout de meme tout doucement la vie chinoise. Nous prenons notre temps pour y manger, s’y promener, y dormir, negocier un nouvel hotel… Et apprenons que 5 euros pour trois, c’est tout a fait possible en Chine, et sans se battre. La nourriture, elle, continue de nous enchanter. Plats en sauce, soupes, legumes, poisson, le tout avec une diversite incroyable, des prix bas et un regal pour les papilles. Jamais decu depuis presque quinze jours que nous sommes ici. La commande a l’aveugle sur une carte incomprehensible a du bon ! Datong est une ville tres chinoise, comme celles que nous apprendrons a connaitre ensuite: grandes avenues tres propres, des distances impossibles a couvrir a pied, d’immenses immeubles qui entourent des petits quartiers a moitie en ruine, caches des regards, ou les tas d’immondices sont mis a bruler de temps en temps pour degager de la place. Et dans chaque rue, des chariots, des etalages, des marchands de tout et surtout de nourriture se tiennent pour vendre brochettes, vetements, bibelots et cigarettes bien moins cher que les magasins.
Les grottes bouddhiques, dont vous pouvez voir les photos depuis quelques temps deja, sont impressionnantes d’anciennete et de taille. Leurs bouddhas geants rappellent les images de ceux dynamites par les talibans. Nous y sommes menes, a travers des paysages de loess a couper le souffle, par un chauffeur de taxi prive, qui nous prend tout de meme 25 euros pour la journee entiere. Nous sommes trois, donc cela ne fait pas si cher, amis tout de meme… seulement voila, nous sommes presses: deja trois jours que nous pensions etre arrives ! Tout autour des fameuses grottes, le gouvernement amenage. Une route pavee se construit pour les touristes, bordee d’arbres -comme toutes les routes de Chine sont en train de le devenir- et de futurs debits de boissons, souvenirs, toilettes… Un chantier bien plus grand que la superficie du site ancien lui-meme ! A Yungang, ils construisent meme, de A a Z, un temple de style ancien, immense, dote de douves si grandes qu’elles rappellent un lac, et auquel une allee bordee d’elephants de pierre menera. On ne comprend pas tres bien en quoi ces monuments « tout neufs » attireront le touriste, mais pourquoi pas… Je verrais bien les photos du site dans une trentaine d’annees. Fiston ?
Seconde etape, le monastere suspendu. Le prix du ticket commence a attaquer le portefeuille. 13 euros. Ca semble normal, mais pour la Chine, 13 euros equivalent a trois repas bien copieux plus une nuit dans un bon hotel. Cependant, ce monastere est assez impressionnant. Dommage que léclairage ne soit pas meilleur. Mais nous avons la chance d’y penetrer quasiment seuls. Peu apres nous, des dizaines de touristes s’y masseront, en file indienne serree, sur ses vertigineuses corniches. Et la plus haute, surplombant ses presque 80 metres de vide et posee sur de petites perches, en plein vent, donne quand meme quelques frissons ! Surtout grâce a son garde-fou chinois… a hauteur de genou. Etaient-ils si petits auparavant ?
Nous voila de retour a Datong-ville. Une nuit de plus, malheureusement: malgre tous nos efforts, le train pour Pekin ne part que demain. Du moins celui dans lequel on peut obtenir des places. Coinces ici, attendant pour ma part de feter un an de rencontre via Skype, chacun ronge un peu son frein et nous passons une derniere soiree a deambuler dans les rues, entre les stands de massage de pieds un peu tendancieux, frolant les murs ou d’innombrables numeros de telephone -vente de faux diplomes, nous explique un passant- sont taggues, colles ou faits au pochoir. Et nous visitons le temple d’Huayan Si, celui d’en bas, dans la ville… Voyez plutot :
Eh oui. Il fallait qu’on arrive pile au moment de la refection ! Tant mieux, nous en sommes quittes pour une longue balade a travers les hutong -quartiers anciens, ruelles entre les maisons basses- de Datong, avant de rejoindre la gare.
Les hutong, vous en entendrez parler beaucoup: a Pekin, partout, ils sont les quartiers ou se trouve encore l’essence de l’ame chinoise. C’est la, dans ces rues tortueuses et ces impasses, entre les briques disjointes, que l’on trouve une vie chinoise joyeuse et curieuse, les petits restaurants de rue, bref, une authenticite que tous les buildings de la « modernisation » ne peuvent pas offrir. Il en reste encore quelques-uns, fort heureusement, ceux qui ne se sont pas faits oublier, enterres qu’ils sont sous de grandes autostrades, d’immenses quartiers residentiels, de parcs, lacs et collines artificielles. Bref, il en reste a Pekin…
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