A l´ombre des nuages
May 03, 2010 - Victor
Nous sommes à Beijing, enfin, et il est temps de donner quelques nouvelles ! Notamment celles de la campagne mongole, d’où le titre de ce billet; l’une des choses frappantes dans la steppe, c’est de pouvoir contempler directement les zones d’ombre laissées par les nuages sur ces plaines diablement étendues.
L’horizon est découpé par les collines au loin, sauf en certaines passes qui permettent à la steppe de tracer son chemin à travers la région, formant ainsi des autoroutes naturelles entre les collines souvent couvertes de sapins et de rochers abrupts.
Ce coin de steppe, en lisière de la région natale de Dschinggis Khan, une véritable légende et icône ici, est d’une beauté toute particulière. Krystel, vous vous rappellez ? La demoiselle rencontrée à l’aéroport de Moscou nous a emmenée avec elle rencontrer quelques-unes de ses connaissances en Mongolie. Ainsi, c’est après cinq jours passés à Oulan-Bator que nous quittons la capitale avec Ulzi, un jeune Mongol d’une vingtaine d’années, dans un bus en direction de Baganuur.
Située une quarantaine de kilomètres à l’Est d’UB, la ville minière s’annonce par d’immenses complexes d’extraction et de retraitement du charbon, qui reste ici et en chine une ressource énergétique extrêmement importante. De cette petite ville, après avoir fait quelques courses de base incluant la bouteille de vodka à offrir au chef de maison, ce dernier, Gamba ou Gambold nous emmène en voiture jusqu’à son village: Mongonmorit, à une vingtaine de kilomètres au Nord.
La petite japonaise qui nous sert de voiture n’a pas trop de difficultés à se frayer un chemin à travers les nids d’éléphant, mares de boue et cadavres d’animaux qui pavent et bordent la piste à travers steppe. Nous mettons tout de même presque trois heures à arriver, observant au loin quelques ovoo -tas de pierre sacrés, où flottent des tissus bleus- et ruines de la Mongolie communiste, parfois par villes fantômes entières.
Une fois sur place, dans ce village aux maisons parfois de brique, parfois de boue et de bois, aux larges chemins boueux, nous sortons dans une petite cour intérieure qui sera notre univers pendant les quatre jours à venir. Et quatre jours dans ces conditions, cela peut être long. Ne parlant pas le mongol, dans une famille inconnue, vivant le plus souvent avec la femme de Gumbold, Enktuvshin, qui d’un aspect bourru au départ se révèle finalement relativement agréable.
Nous devons attendre que nos hôtes décident qu’il soit temps d’aller rejoindre le camp d’été, situé encore à une quinzaine de kilomètres. Ce voyage se sera finalement apparenté à une perte de liberté; nous avons dû attendre de rejoindre le village, attendre de rejoindre le camp d’été, attendre enfin pour rentrer à Oulan-Bator. Et parmi tout cela, il a fallu, étant donnée la situation particulière d’hospitalité où nous nous trouvions, payer, payer, toujours un petit peu plus. Et même si finalement nous n’avons dépensé que peu d’argent, environ cinq euros par jour, la façon de demander toujours de façon détournée de quoi pour les courses, l’essence, bien plus que nécessaire, nous laisse un goût amer dans la bouche. L’hospitalité mongole n’est pas si désintéressée que l’on peut la croire.
Cependant, nous avons dans le même temps expérimenté ce qui doit être une des expériences les plus authentiques de la Mongolie. Nous avons vécu dans une famille, partageant leur quotidien, leurs repas habituels -souvent, en cette saison, du cheval consommé à même l’os dès le petit déjeuner- et effectué les travaux de tous les jours sous la yourte au camp d’été. Dans les premiers jours, après avoir partagé une bouteille de Dshinggis vodka -le bon vieux khan se retrouve partout en tant qu’icône national- on nous sert une sorte de beurre fermenté à l’odeur repoussante et au goût presque aussi infect, à tartiner sur de larges tranches de pain. Cette mixture sera laissée à sécher durant toute la semaine. Au petit matin, c’est au tour du pâté d’abats de mouton gelé dans la graissé, aux oignons et à l’ail, que l’on mange là aussi sur du pain trempé dans le thé mongol au lait et au sel.
Nous avons aussi mangé divers abats, dont du pénis de cheval, et d’autres morceaux de viande peu ragoûtants, généralement de gros cubes de graisse ou de cartilage, noyés dans une soupe aux légumes. Notre menu ne variera que peu ensuite: soupes aux nouilles mongoles, nouilles sautées aux légumes et émincé de viande, hushuur: de larges et plats beignets frits dans de la graisse. Le sucre et l’eau resteront rares.
A notre arrivée au camp d’été, après une traditionnelle panne de jeep -toutes ont un problème quelconque sur la route- nous arrivons devant les deux yourtes qui seront notre nouvel univers, jusqu’à ce que les mongols décident qu’il soit temps pour nous de repartir. Nous avons trait les vaches, de nombreuses fois ramassé les fientes de mouton et les bouses de vache, et nourri les vaches avec une mixture odorante préparée dans une baignoire en métal qui trône dans la yourte des aides. Et une fois chacun, nous goûtons au plaisir énorme du voyage en mongolie: nous prenons un cheval mongol pour regrouper, au trot ou au galop, un troupeau de moutons.
Le reste du temps, nous n’avons presque que du temps libre. Nous échangeons des conversations simples avec les mongols, à l’aide de Krystel apprenant, et d’un dictionnaire anglais-mongol qui se révèlera somme toute très pratique ! Chaque jour, des voisins viennent visiter le camp, le plus souvent en moto-cross. Ils restent là pour une durée variant entre quelques minutes et une journée, apportent un peu d’aide, et au minimum boivent une bouteille de vodka en marque d’amitié.
Le nombre de bouteilles englouties de la sorte est impressionnant: entre une et cinq par jour, du moins, tant qu’il en reste. Elles se boivent dans une petite coupelle en argent, qui se trouve être un objet extrêmement répandu en Mongolie; le genre d’objets que l’on s’offre au mariage. Puis le plus jeune (moi) la remplit avec de la vodka, puis la tend, avec la main droite -et main gauche sous le coude droit- à chaque convive, par ordre d’aînesse ou de rang. Ce qui peut se compliquer irrémédiablement lorsque certains boivent aussi ou préfèrent la bière, lorsque des femmes sont présentes, lorsque certains ne boivent pas ou sont malades, et encore plus lorsque différentes catégories d’invités sont présents. Toujours est-il que le temps moyen pour finir une bouteille de cette manière est inférieur à 10 minutes, ce qui rend les travaux de la ferme d’autant plus intéressants ! Surtout lorsque l’on sait que la première peut très bien s’ouvrir aux alentours de midi.
Quant aux nuits, elles seront plutôt agréables, le poêle réchauffant sévèrement l’intérieur de la yourte -tant qu’il est allumé. Gare au réveil ! Nous attendons le plus souvent que le feu soit rallumé pour émerger. Au-dehors et la nuit, lea température oscille tout de même entre -10 et -20°. Heureusement, nous aurons eu de belles journées, pleines de soleil et plutot agréables, même s’il était difficile de quitter nos manteaux. Et nous avions une mauvaise tendance à sortir nous promener juste avant une petite tourmente de neige. Mais quels paysages ! Que ce soit au village ou dans le camp d’été, nous n’aurons de cesse de grimper les collines les plus proches pour l’admirer mieux.
Tout de même, au bout du sixième jour à ne rien faire de la journée -un livre et demi chacun y passent- nous commençons à trouver le temps long. Quelle délivrance lorsque la famille nous annonce qu’ils nous ramènent en voiture le lendemain ! Nous aurons amassé pas mal de belles bribes de souvenirs: la lutte dans la steppe avec le gros Shirnen, un mongol pur jus, qui à la longue devient clairement repoussant de grossièreté, la cuisine dans la yourte, le petit poste télé sur batterie de camion grésillant son noir et blanc lavasse par-derrière, les courses en fou rire après des chevreaux égarés; et surtout la troupe de mongols hirsutes, aux faces burinées et patinées par le climat de la steppe, dans leurs hardes usées et trouées, qui jouent à la Muschikh, jeu de carte des campagnards mongols, en partageant la vodka à la faible lueur du poële. Pour tous ces moments, nous pouvons dire que nous avons vu le meilleur de la Mongolie.
Le retour est tout de même joyeux; nous sentons notre liberté se rapprocher, ne plus être dépendant de quiconque pour manger, dormir, bouger, lire… Après avoir bu de la vodka dans une demi bouteille d’eau à bord un gros 4×4 à Mongonmorit -celui de la police montée du district- nous prenons un taxi puis un bus qui nous ramènent à la ville. Nous prenons encore une journée pour se nettoyer entièrement, nous récurer après ces douze jours sans douche, pour admirer un match de lutte au Palais de la Lutte de UB, visiter un dernier musée, et prendre un train pour la Chine. Nous ne trouvons que des places sans couchettes à environ 5 euros… Nous avons du pain, de l’eau, de la sauce chili et du chocolat; nous arriverons 13 heures plus tard à Zamin-Uud, dernière ville mongole avant la frontière, que nous traverserons en jeep. Mais cela, c’est une autre histoire…
PS: Comme vous avez pu levoir, il manque beaucoup de details interessants et tout est traite tres vite, mais je manque vraiment de temps pour tout ecrire…J´espere neanmoins que ca vous donne une bonne idee !