Le vide et le plein
July 13, 2009 - Victor
Il ne faut pas apporter au Japon une âme sentimentale.
Phrase de Nicolas Bouvier, dans ses fameux Carnets sur le Japon, finalement intitulés comme ce billet. L'écrivain voyageur, parmi les plus connus de notre siècle, est largement cité dans le guide du routard concernant Kyoto et Tokyo. L'ont-ils vraiment lu ? Le baroudeur infatigable de L'usage du monde n'a à la bouche, dans ses carnets, que des reproches sur ce pays si difficile d'approche. Et, en un sens, ses paroles sont toujours d'actualité, quelque quarante ans plus tard; seule la toute nouvelle génération, qui tente par tous moyens, souvent maladroits, de briser les chaînes qui la lient à la précédente, apporte un peu de nouveauté danss ce pays resté pendant près de mille ans coupé du reste du monde. Ce nouveau Japon, dont le fer de lance se trouve à Tokyo avec ses Shibuya Girls, son Akihabara et son ouverture à l'international, n'a pas encore bien étendu son existence dans le bout de Kansai où nous vivons actuellement.
Takanohara... Petite bourgade, ville-dortoir pour écoliers et commuters, Une seule chose nous rappelle ici le Japon contemporain: le AEON. Immense complexe commercial, situé juste à côté de la gare (Ekimae, en face de la gare, tout comme nous habitons à Ekinishi, l'est de la gare). On peut y trouver beaucoup de choses. Une balade dans sa galerie commmerçante nous donne le sentiment que nous ne sommes pas tout à fait en europe.
Rappels de l'univers du manga omniprésents dans ce magasins de goodies, artefacts kawaii ou okashii -bizarres- qui, il faut bien l'avouer, sont souvent bien pensés. Me rappeller d'en envoyer une caisse entière en France, avec un contenu à répartir entre différentes personnes ! Il y a aussi ces magasins -surtout féminins- de vêtements, de chaussures et des bas, de chaussettes en tous genres et pour tous les goûts, où se pressent les japonaises à la sortie du lycée, vareuse, cravate et jupette remontée à mi-cuisse après les cours. Comme toute grande surface japonaise qui se respecte, nous retrouverons ici l'espace de jeux où, qui la chasse aux dragons, qui les machines à sous, qui l'appareil à photos kitsch qui se pratique entre copines.
La nouveauté, c'est aussi le Food Court situé en face. Imaginez une alliance entre MacDonald's, KFC et une bonne dizaine d'autres chaînes du même acabit, mais japonaises. Eh bien ici, ça a été réalisé: tous ces délicieux restaurants sont placés sous forme de stands, en rangs d'oignon autour d'une sorte d'arène remplie de tables et de chaises, mises en commun. Ici, on est sincère avec le fast-food: ce n'est plus un restaurant, comme l'on aime tant l'entendre en france, c'est juste.. une zone ou l'on bouffe. On vient s'enfiler du nutriment, voilà, pour la subsistance, entre deux trains ou après les courses, ou dès que chéri commence à crier famine. Honnête, non ?
A l'autre bout du même étage -on croise sur le chemin des vendeuses, porte-voix en forme de coeur, qui vous hèlent leurs dernières promotions- on arrive au Warner Mycal Cinema. Immense complexe d'une bonne dizaine de salles, la programmation laisse parfois un peu à désirer. Les seuls films qui filtrent ici sont d'énormes blockbusters tels Transformers 2, ou Angels & Demons. Où nous avons retrouvé Jan un jour, qui nous y a offert ses bières et cacahuètes, nécessaires pour bien apprécier un tel film en solitaire au cinéma ! Heureusement, tout n'est pas toujours traduit en japonais et nous pouvons admirer ces merveilles en attendant que nous ayions l'occasion de voir la salle 3D, en démonstration dans les couloirs du AEON. Semble vraiment impressionnant... Mais presque 15 euros la place, et ce en version japonaise seulement. Je ne m'imaginais pas ddes sous-titres en 3D de toutes façons... Alors, vivement le premier salaire ! ... Plus que 8 jours.
Lorsque l'on est curieux, on prend le dernier escalator, deux fois, en affrontant la chaleur qui prend d'un coup à la gorge, au dos, et à tout ce qui peut suer sur vous. On arrive sur le toit, qui est tout simplement un grand parking pour les Toyota, Honda ou Mercedes des gens d'ici (quelques Volkswagen au loin). La bande de crapules ! On aurait pu profiter d'une vue imprenable sur les campagnes environnantes, l'immeuble étant le plus haut du coin, mais non. Il a fallu mettre un mur de béton à hauteur d'yeux, surmonté de grosses grilles en métal. A certains endroits, on peut très maladroitement observer un peu une direction particulière, mais sans non plus espérer se poser là à admirer. De toutes façons, la plupart des paysages ici sont écorchés par les constructions anarchiques qui poussent dans la plaine et s'arrêtent toujours au pied des montagnes alentour.
Il est temps de faire des courses, cela fait quelques jours que nous ne sommes plus si mal installés d'ailleurs. Nous avons à présent de vrais ustensiles de cuisine, un fond de placard au sel, lait, soja et huile d'olive, quelques oignons. On se prépare du riz et de la viande, du riz et du poisson, des pâtes. Les légumes et les fruits sont trop chers ici, ou alors, nous ne nous y sommes pas encore suffisamment attardés. Par contre, phénomène inespéré, la viande est souvent une bonne surprise. Hier, brochettes de yakitori au curcuma, 600g de viande pour environ 400¥. Soit environ 3€... De même, l'autre jour, un gros filet mignon bien tendre se trouvait facilement pour un ¥ le gramme. Ca fait 7€ du kilo, mais décolle les idées reçues que l'on peut avoir sur le pays, réputé si cher. Réflexion faite, c'est plutôt lorsque je rentrerai en France que je serai surpris. Quoi, un restaurant coûte plus de 8€ ? Comment ça, je paie plus de 3€ ma boisson en boîte de nuit ? Etc, etc.
Peut-être les transports, alors ? Et encore. La politique semble être que monter dans le train coûte un certain prix, peu importe la destination. Grosso modo, faire deux stations (aller à ATR) ou dix-huit (aller à Kyoto) entrainera une différence d'a peu près 1,5€ sur le billet. Donc quelque 3,5€ au total, pour entre 40 minutes et une heure de train.Finalement, ce qui coûte cher ici, c'est en comparaison avec le reste, bien que les prix soient acceptables si on prend le temps de les convertir ! Peut-être les appartements coûtent-ils cher. Quoique. Plus tant depuis l'explosion de la bulle immobilière du début des années 90. En tout cas, notre appartment meublé de 60m2 coûte quelque 540€ par mois. Donc...
Autre petite couche sur le sujet initéressant qui nous occupe ! Hier, en faisant les courses, Jon tombe sur Phoebe et son ami, dont j'ai oublié le nom. Les deux compères sont toujours fourrés ensemble, bossent eux aussi dans mon labo, IRC, et viennent tous deux du Canada. Ils nous apprennent que chaque soir, à 10h30 (oui, ici les supermarchés ferment tard, même le dimanche...) les produits sont bradés. On peut facilement trouver d'enormes quantités de nourriture pour 100¥ ! On testera ça un jour, et pourquoi pas ce soir.
Enfin, dernière parenthèse: l'omniprésence de la France et des produits français, ici au Japon. Je ne sais pas si c'est dû à ma condition de français, qui me fait m'attacher à chaque signe entr'apercu surr les étals, à la télévision ou dans la rue, mais il me semble tout de même qu'ici, la France, ça « fait bien ». Confitures Bonne Maman, produits d'épicerie de chez Fauchon -qui se sont adaptés aux goûts du pays et proposent des pots relativement « exotiques » comme de la teriyaki sauce, établissements français tel le Anne & Marie à Nara, d'ailleurs perdu parmi les dizaines de pâtisseries « Au bon Pain », bar « Chez Jules », etc. Dans la façon de s'habiller enfin... Tout jeune japonais qui se respecte portera, dans sa poche arrière, un portefeuille Louis Vuitton « qui en jette ». Je me rappelle d'un de mes cours de Japonais, arrivé en chemise Pierre Cardin achetée 10€ en friperie. Ma professeur, permanente à ATR, ne cessera de s'extasier sur cette dernière, estimant que c'était là le summum de l'élégance !
D'ailleurs, ces professeurs de Japonais, toujours aussi bizarres. Déjà, Sasaki-sensei, la professeur de Japonais à Paris, ou ses remplaçantes, avaient un brin de folie qui les rendait... différentes. Une façon de réinterpréter nos paroles, une façon de tourner la conversation dans un sens non imaginé au départ, voilà ce qui dérange. Et ce rire... Qui commence par détendre, mais qui au bout de quelques minutes semble sorti de nulle part, comme une espèce de folie, cette façon de rire semblé sortir de nulle part et qui s'installe, sans que l'on puisse y ajouter ou retirer quoi que ce soit, handicapé que l'on est par le peu de Japonais que l'on sait. Et finalement, on se demande lequel des deux, de celui qui rit ou de l'interlocuteur, est le plus gêné. Ca donne des envies de secouer l'autre, de lui dire que son hilarité n'est plus nécessaire... Mais on ne peut pas ! Nous venons de recevoir, d'ailleurs, de Sasaki-sensei, un mail très laconique résumant bien l'ambiance... Dans ce mail, un seul mot, adressé à Jon et moi: « Bonjour ! »
Je quitte le sujet, et le centre AEON du même coup. A la sortie du parking, encore un de ces personnages dont le travail est de sgnaler le chemin. Un jeune homme, cette fois-ci. Je me fais gratifier d'un très faible signe de la main. Bien que cette lassitude risque de lui attirer des reproches de la part de ses supérieurs, j'en souris : enfin, il y a au Japon des gens qui trouvent toute cette mascarade, le poids des coutumes, du prévu, de l'étiquette enfin, insupportable... et le font sentir. Je lui fais un signe de la main. Tout comme ce Japonais qui me vole ma bière dans un club l'autre soir : oui, enfin, de l'incorrection ! Il me la rend... j'aurais aimé pouvoir lui expliquer à quel point son geste le rapproche de la vie, le sort de cette politesse qui pèse sur les gens, sur le pays.
''… la sympathie passe par osmose au-dessus des formes rigides du protocole. D'où l'importance aussi du sourire, dans lequel on peut enfermer ce que l'on veut, et qui n'est pas du tout mécanique, mais exprime une infinité de nuances, de la confiance la plus entière à la réprobation la plus catégorique. ''
Passage de Nicolas Bouvier, encore, à propos de ce sourire particulier que vous décochent les Japonais en toute occasion. Ce passage, parmi les nombreux surlignés dans mon livre, me fait penser à Satake-san, mon maître de stage ici, que j'ai une difficulté incroyable à percer. Je ne peux pas lui reprocher, comme Jon avec son propre encadrant, son absence: il est constamment sur mes talons. Mes journées se passent à effectuer les différents travaux relativement pénibles qu'il me charge de faire, en maintenant une pression impalpable. En bref, je « pisse du code », comme on dit chez les informaticiens, je m'occuppe de créer, de matérialiser sous forme de lignes de programme les idées qu'il peut avoir concernant ses robots. Le problème étant que je ne peux pas forcément lui reprocher, mais la plus grand epartie de mon temps est occupée à comprendre et adapter le spaghetti code - comprenez, très mal réalisé, prototype, mal foutu – qu'il avait commencé à écrire. Objectif à atteindre d'ici le premier Août: des robots synchronisés sur un central, qui communiqueent par ondes sans jamais le moindre pépin. J'espère qu'après ça, la confiance passera et je serai un peu plus libre, un peu plus proche aussi.
Une des choses les plus bizarres de la vie de notre laboratoire, ce sont les repas du midi, pris quasiment de façon obligatoire avec toute l'équipe. Satake-san se lève subitement aux alentours de midi, et entame un tour rituel du laboratoire, tape sur l'épaule de toutt le monde, et leur propose : « Let's go to lunch ? » Et nous voilà partis pour le réfectoire, le laboratoire au grand complet. Les tables s'assemblent, et l'on attend que tous soient assis pour commencer à manger. Un petit mot d'introduction en japonais (Itadakimasu) et nous mangeons, plus ou moins en silence, essayant de lancer la discussion sur des sujets toujours plus divers, par exemple sur le prix des carottes au supermarché d'en face. Mais le plus bizarre, dans ce repas, c'est la fin. Lorsqu'il s'agit de quitter la table. Ce qui ne se fait pas, c'est se lever sans que tout le monde se lève. Généralement, la pause repas étant de midi à treize heures, tout le monde reste attablé jusqu'à treize heures pile, puis remonte au laboratoire. Bien des gens ont terminé, j'aimerais surtout faire une petite pause café, lire mes mails, me changer les idées. Mais non, il faudra attendre que les silences, de plus en plus longs, deviennent si imposants que d'un commun accord, et surtout avec celui du directeur de laboratoire, tout le monde se lève de table. L'informalité n'est pas exactement inscrite au patrimoine culturel japonais, j'en ai peur !
La dernière fois, à table, pendant que Jon était au club Manga -un club se rassemblant tous les vendredis, heure de repas, pour manger et traduire des mangas en anglais- j'ai discuté avec Satake-san et deux autre spersonnes du laboratoire, que je ne connaissais pas. La discussion a dérivé sur la difficulté que je soulevais, d'utiliser quatre alphabets, et de quasi systématiquement traduire les mots anglais, même durant l'apprentissage, en katakana. On apprend du coup un anglais différent : taxi devient takushi, bus: basu, etc. Puisqu'ils le comprennent, pourquoi ne pas tout simplement utiliser l'alphabet occidental pour les mots anglais ? Ne savent pas.
Cependant, l'ambiance se détend et s'affine peu à peu: nous avons rencontré des gens, connaissons maintenant une bonne partie du laboratoire et avons même appris des rudiments d'origami (une grenouille !) avec la secrétaire, à l'occasion d'un "jour du soleil", où la tradition est de suspendre des origamis et des voeux de bonheur à un arbre en papier.
En parlant du club manga, cela me fait penser à la forme de Japanophilie que beaucoup de gens d'ici partagent. Ainsi Brett, ce chercheur stagiaire ici, rencontré dans les premiers jours, qui parle un japonais très correct mais qui petit à petit, m'a donné une impression bizarre: joue du Shamisen, une sorte de luth japonais, dérivé de cet instrument chinois à quelques cordes que l'on a pu croiser parfois en France. Il pratique aussi une variante du kendo, l'art du sabre japonais, qui consiste apparemment à mimer l'acte de découpe avec un katana ... En bref, un type bizarre, encore.
J'en reviens à ma sortie du magasin. Passe devant les panneaux métalliques couverts de portraits de politiciens, avec une composition d'affiche simple : généralement, un nom, peut-être un slogan, et une tête en gros plan. Cela me rappelle les élections au Sénégal: 140 partis différents. Ici, ils ne sont qu'une quarantaine, mais tout de même ! De toutes façons, c'est à se demander à quoi bon toutes ces ailes différentes peuvent bien servir. Je ne suis pas si bien renssigné sur la politique au Japon, mais il est fort possible que tous ces partis ne soient que de toutes petites formations, inaptes à s'allier, tout comme au Sénégal. Peut-être que Jon Davis avait raison, le pays ressemble en certains points au Tiers-Monde. Ce qui est certain, et d'après Le Monde Diplomatique de Juillet 2009, centré sur le Japon, c'est que le même parti est au pouvoir depuis 1949. Quelques extraits pour donner une idée: … La corruption, l'immense gaspillage de ressources dans de grands projets inutiles et l'incompétence affligeante de la caste dirigeante issue du PLD … Mais les Américains adorent le PLD, seul parti politique du pays à être suffisament indifférent à la souffrance et à l'humiliation des habitants d'Okinawa …
L'auteur, Chalmers Johnson, président du Japan Policy Research Intitute, n'y va pas pas avec des baguettes. Ce n'est certainement pas ce pauvre hère et ses acolytes, qui nous salue bien bas, sous la pluie, à la sortie de notre petite station de train, qui risque de bouleverser l'ordre établi. Le pauvre diable n'a de politicien encore que la banderole en travers de la poitrine, qui nous fait comprendre le pourquoi de sa présence ici, trempant son costume. Les autre smanifestations de la politique consistent surtout en des processions de gens portant des sortes d'étendards, revêtant un code de couleur plutôt strict (en vert uniquement, par exemple) et braillent des Yoroshiku ! (Bienvenue) à qui veulent l'entendre, à l'aide de mégaphones, et tournent ainsi dans les centre-villes. Ou enfin, ce sont ces camionettes équipées de puissants haut-parleurs, qui passent le même genre d'annonce partout dans la rue en circulant, façon criée, et nous réveillent de bon matin... comme ces énormes corbeaux qui nous orchestrent un vacarme de tous les diables sur les fils électriques en contrebas.
Enfin, tout ceci n'est que détails, tranches de vie: allons plutot à Kyoto. Dès l'arrivée, la ville sainte a plus des allures de New York. Descendant les marches depuis l'étage où l'on peut embarquer pour le Shinkansen, ce train à haute vitesse -et très hauts tarifs- parcourant l'Archipel, nous tombons nez à nez avec des piliers couronnés d'un personnage de jeu vidéo ou manga : Astroboy, que les gens un peu plus âgés que moi doivent connaître. Passant à côté d'une troupe de Japonais faisant la publicité de leur spectacle devant la gare, une sorte de comédie avec des combats de karaté en groupe répétés jusqu'au stade de chorégraphie, nous levons les yeux: voici la Kyoto Tower. Une sorte de soucoupe volante posé sur un pilier étrange de forme convexe. Elle nous servira de repère fréquemment lors de nos balades à travers la ville, où il est difficile de se perdre. En effet, comme la plupart des villes anciennes du Japon, Kyoto a été pensée en damier. L'impression est surprenante: quelle que soit la ruelle, on ne peut en apercevoir l'extrémité à l'horizon. Et mon Dieu, que de temples on peut y croiser ! Presque devant chaque maison, un petit sanctuaire Shinto. Et entre chaque pâté de maison, un petit temple, un accès quelconque vers un lieu de recueillement. Nous allons en visiter un véritable, le temple Higashi. En restauration, ce premier temple que nous visitons n'en reste pas moins impressionnant de pas ses dimensions énormes -au Japon, le luxe, c'est l'espace- et par son odeur, magique, de cèdre ancien, de bois fin. La construction est entièrement en bois, et chaque plafond est triple. Il abrite de grandes salles qui cachent d'immenses statues de princes anciens ou d'Amida Bouddha. On sent sur ses tatamis, chaussures laissées à l'entrée, une sérénité, une fraîcheur jusque là peu rencontrées. Ici, le souci du détail prend tout son sens et donne un résultat saisissant. Malheureusement, sans photos, ces dernières sont interdites...
Nous nous décidons à prendr ela direction du quartier central et commercant. Jette mes cigarettes dans mon tout nouveau cendrier de poche (Pocketo o haizara) qui permet ici de ne pas souiller les trottoirs, impeccables. Les arcades commerciales sont impressionnantes cette fois de vie. Partout des magasins, partout, des gens, partout, des objets attirent le regard et nous traînent sur les vitrines. Nous nous perdons un peu dans ce marché de toutes les curiosités, nous promettons de revenir ! Courons jusqu'à un bus, identifié comme allant à la gare; A bientôt, Kyoto... La nuit tombe, tôt comme d'habitude, vers 18 heures. Ce soir, nous allons à Osaka...
Rendez-vous est honoré sur les quais de la gare Yamato-Saidaji, une sorte de Châtelet de la campagne, au centre d'un triangle de lignes en partance pour Kyoto, Osaka et Nara. Jan, Andrej et George sont là. Une heure plus tard, nous voilà à Osaka-Namba. Dès la sortie, que de lumières, que de monde, que de vie ! Les immeubles, bien plus grands que la moyenne de ce que nous avions pu rencontrer jusqu'alors, nous surplombent de leurs mille lumières multicolores, de gigantesques pattes de crabe, d'une célèbre chaîne de restaurants de fruits de mer, se balancent dans le vide au-dessus de nos têtes. Nous nous avançons un peu dans ces rues animées par un brouhaha nocturne et coloré. Là, une file immense de gens se pressent pour obtenir quelques bouchées de ces fameux Octopuse's Parts, un minuscule stand vendant une spécialité de bouchées de poulpe. Ici, des jeunes louches, des oiseaux de nuit extravagants et un peu inquiétants s'approchent des filles non accompagnées, leur proposent de tourner dans des films peu recommandables. Le Yakuza de basse extraction a toujours ici la mainmise sur l'industrie du sexe, banni par le gouvernement. Prohibition à la Japonaise, cela a établi, et depuis longtemps, une base solide à l'établissement de gangs d'importation ou de diffusion sous le manteau de produits X. Qui par la suite (loi antigang de 1992) se sont lancés dans des activités de plus haut vol, les sokaiya par exemple, qui consistent à aller directement faire pression sur les conseils d'administration de grandes sociétés.
Nous mangeons dans un restaurant au troisième étage. Ici, lever les yeux: les aubaines, les magasins, les commerces en général ne sont pas forcément au niveau de la rue. La difficulté, déchiffrer les panneaux... Merci quand même à cette tradition japonaise voulant que les plats soient exposés en photo, ou en copie plastifiée, dans la devanture ou sur les enseignes au sol. Jan se régale avec un plat de brochettes de poulet. Et effectivement, tout le poulet y est: viande, ailes, coeurs, foies, ovaires, peau ! Ne manquent que les pattes...
Direction American Mura, le quartier américain d'Osaka. Andrej a passé là trois jours la semaine précédente, il nous sert de guide. Nous avançons; une copie de la statue de la liberté, posée sur un immeuble lointain, nous sert de phare pour maintenir le bon cap vers ce quartier. On se pose finalement, une fois arrivés, dans un « bar américain » qui change tout de même un peu des izakaya -comprenez, bistrots japonais- traditionnels, qui ont tendance à tous se ressembler. Ici, la déco est plus éclectique, les serveurs sympas -mais n'allez pas croire qu'ils parlent anglais- et nous nous y rafraichissons en établissant, avec l'aide du braman, un plan d'action pour la nuit à venir. Deux lieux sont proposés: un bar rock, très rock, et une boîte, musique électronique à la clé. Le vote penche finalement pour cette dernière, située juste à côté. On se pose quelques instants sur un triangle de béton quelques mètres avant le but, où de nombreux skaters japonais font des démonstrations pendant que des voitures à l'américaine défilent autour et sautent, parfois de presque un mètre, à l'aide de leurs amortisseurs modifiés. C'est impressionnant ! On se sent vraiment dans un endroit différent, à Osaka, on en oublie un peu la campagne. La vie est palpable. En aparté: une fille vient récupérer à côté de nous son portable, oublié par terre depuis avant que nous arrivions. Même dans cet endroit assez peu recommandable, il ne serait venu à l'idée de personne de le dérober !
On rentre dans le Club Joule, une électro minimale sera de mise toute la nuit. L'endroit est aéré, agréable, les gens n'hésitent pas à venir demander d'où l'on vient, à nous offrir un verre... Jusque devant les enceintes. Une projection vidéo se poursuivra durant toute la nuit: des scènes osées mettant en jeu des machines ou des animaux (!) seront diffusées, sans que personne ne semble y prêter la moindre attention. Nous y rencontrons Siméon, un français revenu au Japon avec la ferme intention de vendre du vin à Osaka. Et il a toutes les chances d'y parvenir, vu le cas que l'on en fait ici ! Je me demande toutefois s'il est fin connaisseur ou s'il a juste flairé l'aubaine. Nous présente ses amis japonais, qui comme la plupart des jeunes, nous adoptent immédiatement. La fin de la nuit se déroule dans cette ambiance agréable. On récupère un Andrej titubant et repartons vers 5 heures trente du matin, sous un jour éclatant. Eh oui, ici le soleil se lève vers 4 heures trente !
Le train de retour est calme, nous croisons des groupes de jeunes allant au sport. Il est encore difficile de s'endormir d'un coup, démon de Red Bull et son cocktail excitant. A l'appartement, je me jette tout de même sur mon lit, serrant fort ma petite pierre porte-bonheur, et m'endors sans faire plus de chichis.
PS: Ugo est lui aussi arrivé au Japon, et la tonalité est un peu différente à Tokyo. CF http://yougo.perso.rezel.net . Je le déteste :)
PPS: Peu de photos, beaucoup de texte et finalement, les deux sont plutot décorrélés... Mais j'avais tout de même un certain nombre de choses à dire avant de les oublier !