Humidité & Factotums
July 06, 2009 - Victor
Factotum...
Voilà un mot qui me semblait approprié à ces gens, si nombreux au Japon, anonymes et hauts en couleurs, dont l'unique fonction est de vous accompagner d'un geste ample dans votre mouvement, révérence au ras du sol, tandis que de l'autre ils préparent le terrain à leur future courbette.
C'est bien la première fois que je les vois. Dans l'état où je suis, avec si peu de sommeil dans l'avion, brinquebalé entre Osaka et ATR dans différents moyens de transport, sans vraiment comprendre ni les panneaux, ni ce que me marmonnent les différents personnages, du chauffeur à mon futur encadrant, que j'ai pu rencontrer sur ces quelques heures.
A peine la porte de l'avion passée, on entre comme dans un sas de chaleur qui risque de durer quelques mois. La moiteur ambiante est la première chose qui m'ait impressionnée ici. Elle ne risque pas de lâcher le ciel de sitôt, la saison des pluies a commencé et risque de durer un certain nombre de mois.
Des l'aéroport, sans que cela soit encore très impressionnant, nous en croisons, de ces factotums. Untel, qui nous saute dessus pour nous montrer où se trouvent les bureaux de douane (c'est pourtant évident, il n'y a que ça dans la salle où nous arrivons et tout l'avion s'y rend) à une autre, qui décharge nos bagages, aidée de ses consoeurs, du tapis roulant de l'arrivée.
Il semble que le Japon ait trouvé moyen de créer un emploi à partir de toute fonction qui éncessite un peu plus que l'immobilité la plus complète. Au pire, il n'y a qu'à créer du mouvement là où il n'existe pas. Enfin, après 12 heures d'aéroport, il est temps de la prendre, cette cigarette. A moitié halluciné, je cherche l'endroit où je pourrai la consommer. En tout cas, à part de bizarres machines rafraîchissantes, ce ne sera pas dehors. Il faut que je trouve l'espace fumeurs, une sorte de coin minuscule entre quatre épaisses vitres dans lequel les cinquante degrés ne sont pas loin.
Laisse tomber, de toutes façons ma clope est déjà trop humide pour brûler encore. Je me dirige vers le bus, en déchiffrant à moitié les panneaux qui sont disposés ça et là. Encore une fois, une personne appuie pour nous sur les boutons de la machine à acheter des tickets. On s'installe enfin.
Avec de petits yeux, Jon, Nicolas et moi -Nicolas, un autre stagiaire d'ATR ayant pris le même avion- regardons Osaka défiler. Au sens propre: la voie de bus est à mi-hauteur des immeubles, nous sommes bien au-dessus de la rue. On distingue ça et là cnetres industriels, rizières, maisons, immeubles, salles de Pachinko géantes, terrains de golf aquatique, et surtout, à perte de vue, la ville. Heureusement que les montagnes environnantes, omniprésentes au Japon, ont stoppé cette mégalopole pour un temps, qui à présent mange sur la mer plutôt que sur les cols.
On se sent petit à petit arriver à la campagne. Les rizières se font plus présentes, les bambous finissent par environner le bus. La concentration en bâtiments devient sensiblement plus faible. On débouhe devant une immense bâtisse qui a l'air d'être posée nulle part, enfin ! Nous sommes arrivés, Satoko-san, responsable de l'accueil des nouveaux stagiaires, vient nous chercher et nous fait rentrer dans ce building où je apsserai un certain temps dès maintenant : ATR.
Ce n'est qu'en rentrant dans ma salle de travail que j'ai vraiment compris ce qu'était cette compagnie. Les robots humanoïdes sont partout, Rien que sur ces 100m2, il y en a plus de 12, de différents modèles, plus ou moins aboutis. La salle ressemble à une sorte de fouillis, surtout remplie d'ordinateurs, les bureaux, de simples tables poussées contre les murs. Le costume n'a pas vraiment l'air d'être de mise, voilà qui est rassurant ! On se fait présenter à nos supérieurs respectifs : Kanda-San, certainement quinquagénaire à l'air très gentil, peut-être un peu dans la lune, et le mien, Satoru Satake-San. Ce dernier a tout bonnement l'air d'avoir aux alentours de 17 ans, et m'arrive difficilement aux épaules. Nos valises sont encore à l'accueil, mais on nous emmène, direction le réfectoire, manger avec l'équipe. Les repas sont, et resteront, résolument japonais. Bouillons de nouilles, un peu de riz accompagné d'un peu de viande, petites salades aux mélanges osés (aux poissons séchés entiers ???!) La journée ne semble pas voiloir en finir, et ce n'est que lorsque nous refermons sur nous la porte de notre appartement, sans plus à avoir à parler ni anglais, ni nos baragouins de japonais, que je commence à me relaxer. Clémence, balcon, cigarettes.
Le manque de moyen de communication se fait déjà terriblement sentir et ce n'est pas sans bonheur que je découvre la dernière petite barre rouge clignotante de la batterie de mon téléphone, in extremis pour détecter un réseau et envoyer un message loin, de là où l'avion est parti. C'est vrai que nous allons avoir un petit temps d'adaptation : pas d'Internet, pas d'electricité, pas de téléphone, à peu de choses près. On peut bien essayer un peu au travail, mais ce n'est pas l'idéal pour discuter, du point de vue des horaires... Généralement je reçois des messages lorsque je dors, souvent datés du jour d'avant l'envoi, décalage horaire oblige...
Avant de m'endormir, je lis cette lettre à retardement qu'il fallait n'ouvrir qu'ici. Effectivement, pour du retardement, ça a tout d'une bombe. Déjà que la fatigue, la pluie qui tombe, l'éloignment et le vide de ce nouvel appartement m'ont beaucoup fragilisé, il ne me reste plus qu'à aller dormir. Triste et heureux à la fois !