C’est mon premier jour à Saint Louis. Passé l’éblouissement, c’est la découverte du paysage. Le fleuve Sénégal juste en bas, la terrasse qui donne sur toutes les maisons environnantes, les pécheurs qui déchargent leur travail, les pirogues multicolores par dizaines au bord de l’eau, les vêtements des gens, multicolores également… Puis, enfin, le départ pour l’école Cheick Touré, où nous travaillons le mois d’août. Notre mission est de donner des cours d’informatique en particulier, Word et Internet, à des Saint-Louisiens de Guet N’Dar et des environs.
Guet N’Dar est le quartier des pécheurs de Saint Louis. C’est le quartier pauvre en fait. Les gens se bousculent tellement la poulation y est nombreuse : 25000 habitants pour environ 1km². L’une des plus grandes densités du monde. Et l’école est dans le centre, un peu au sud du quartier. J’ai adoré découvrir les rues, et les gens. Très difficile de ne pas sortir mon appareil photo d’ailleurs !! Mais les croyances animistes et les superstitions sont encore très ancrées dans la mentalité locale et pas question de me faire casser mon appareil tout neuf ! Mais en direct de Paris, quel choc de se retrouver dans ce coin si magique et impressionnant, et différent de tout ce que j’avais pu voir jusqu’alors ! Les enfants nous courent après pour nous serrer la main en criant « Toubab ! Toubab ! » (Blanc, en wolof), les pécheurs et les femmes qui travaillent nous regardent passer sans s’offenser de mon observation minutieuse. Les gens vivent ensemble pour tout ce qu’ils font. De toute façon, la contrainte de densité ne permet pas réellement l’individualisme quoi qu’il arrive ! Du coup, les femmes se retrouvent pour la lessive et écailler/préparer les poissons que leur maris sont allés pêcher toute la nuit/matinée pendant que les enfants se retrouve pour jouer, étudier ou apprendre un métier.
C’est sale, mais c’est comme ça. De toute façon, l’odeur de poisson est tellement forte qu’on ne cherche pas à comprendre. Les gens vivent comme ça, et notre hygiène de vie moderne me semble presque un peu trop stérile d’un coup. Ils ne sont pas malheureux, au contraire. Il est rare de croiser un enfant qui pleure.
Puis nous arrivons enfin à l’école. Il y a des travaux pour mettre en place une maternelle en plus de l’école primaire existante. Et nous nous dispersons vers nos diverses activités : le camp d’été, et les cours d’info, pour débutants et avancés. Le matin, nous donnons des cours à des enfants, et l’après midi aux adultes, tous sélectionnés parmi les plus motivés par Arona.
J’ai d’abord voulu tester les débutant pour me rendre compte du travail à faire. Et aussi parce que j’avais peur de ne pas pouvoir enseigner aux élève du cours avancé. Mais en fait, ce n’était pas une bonne idée : ces enfants n’avaient jamais vu d’ordinateur avant le début de la semaine, et parlent le français, mais pas très clairement. La langue natale est plutôt le wolof dans cette région. Je n’avais pas pu participer aux cours du début de la semaine, donc ça m’a fait bizarre de me retrouver confrontée à des enfants qui ne savent pas faire grand-chose avec un écran, et pour qui la sourie est une chose bizarre qu’on ne peut plus déplacer quand on arrive au bord de la table. J’ai retrouvé les résultats des premiers cours : par exemple le premier cours consistait à écrire son prénom et à l’enregistrer. Donc, ils étaient tous persuadés qu’enregistrer commençait par écrire son nom… A la sortie de ce cours, j’ai pris la résolution de m’occuper des avancés, sous peine de m’éclater le crâne contre un peu à force de répéter 40 fois comment on fait un copier coller. J’ai conscience qu’ils ont découvert l’ordinateur quelques jours auparavant. Mais quand même, je ne peux pas…
A midi, j’ai insisté pour faire un tour du coin des pécheurs à proprement parler : visite de Guet N’Dar puis de la sécherie des poissons. Bonjour l’ordeur, mais c’est quand même très impressionnant. Nous avons longé le cimetière musulman, qu’il est interdit de pénétrer pour les pratiquants des autres religions. Puis nous avons mangé avec Oumar. Premier repas local, un Thiéboudienne, un plat national composé de riz au poisson avec des légumes. Le riz est l’aliment de base de tous les repas ici. Avant, c’était le mil et le couscous, mais aujourd’hui, ils importent le riz d’Asie.
L’après midi, je suis allée changer mon argent. Encore un choc. Plusieurs en fait. Tout d’abord le taux de change : le francs CFA correspond à l’ancien franc. Je n’ai jamais eu autant de sous dans ma vie d’un coup. Mais le pire, c’est les vendeurs ambulants dans la rue. Je n’avais jamais vu ça et même si on m’avait prévenue, ça fait bizarre. On finit par s’enfuir, et nous nous promenons un peu dans les rues jusqu’à ce qu’on retourne au cours du soir.
Ce cours se déroule bien mieux que celui du matin. Je suis maintenant avec les avancés qui vont plus vite, font des exercices plus intéressants et avec qui j’ai plus de plaisir à expliquer des choses.
A la tombée de la nuit, (plus tôt qu’en France, mais je n’ai pas encore déterminé l’heure) la lumière est jaune orangée et la chaleur tombe enfin un peu. Je suis extenuée, et j’ai la marque de ma robe sur les épaules. Pas encore un coup de soleil, mais ça ne va pas tarder je sens…